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Rencontre avec Elisabeth, responsable antenne et entrepreneur à Kuala Lumpur
Les étudiants du pro-act "Kedge Alumni Travel" d'Asie sont passés par Kuala Lumpur, où ils sont venus à la rencontre de nos diplômés expatriés.
- PROMOTION : 2006
- POSTE : Managing Director
- ENTREPRISE : All 1KL, Asia Career Management
- DURÉE D'EXPATRIATION : 12 ans
INTERVIEW :
Présentez-vous en quelques mots...
Elisabeth, 58 ans, 30 ans d'expérience dont une dizaine d’années dans le secteur institutionnel. J'ai souhaité dès le plus jeune âge, aller et vivre dans 2 pays : la Russie et la Chine. Bien que n’ayant pas d’idéologie communiste, j'étais intéressée à mieux comprendre les systèmes de planification économique et le type de gouvernance qui existait dans ces immenses pays. J'ai renforcé mes études en économie par un 3ème cycle en « Économie européenne », l’année même de la chute du mur de Berlin. L’effondrement de l’ancienne URSS m’a encore plus incitée à partir en Russie pour vivre mon « premier » rêve. J’y suis restée jusqu’en 1998, année d’une forte crise financière qui a touché l’ensemble des pays émergents dans le monde. Je suis rentrée en France avec l’idée de m’expatrier à nouveau en particulier en Chine.
Un matin au printemps 2005, j’ai soudainement décidé que le moment était venu pour aller en Chine et je me suis donnée 2 ans pour monter ce projet avec ma famille. Résidant dans le sud de la France, j'ai choisi de reprendre des études à l’international et suivre un MBA à Euromed qui avait un partenaire en Chine. J’ai pu ainsi passer 2 mois sur Shanghai et réaliser ma thèse sur la Chine. Mon mari et moi-même avons cherché depuis la France pendant 3 ans du travail en Chine et finalement sommes arrivés en Malaisie. Ce n’était certes pas la Chine mais cela restait l’Asie !
Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel en Malaisie ?
Je suis arrivée à Kuala Lumpur en août 2008 et ai trouvé en quelque jours seulement du travail en ciblant essentiellement des entreprises pouvant être intéressées par ma connaissance de la langue russe. J’ai intégré une société australienne qui a dû arrêter son activité début 2009 en raison de la crise financière. La situation économique en 2009 ne permettant pas de trouver un emploi rapidement, j’ai préféré créer ma propre entreprise. Je m’étais initialement aperçue de l’absence d’information et de support pour les étrangers en recherche de travail en Malaisie et me suis lancée sur ce créneau au départ de façon tout à fait informelle. 6 mois plus tard, j'ai créé la structure All1KL, Asia Career Management dans laquelle je suis toujours en exercice. Être « self-employed » était en fait un modèle de travail qui correspondait à mes attentes liées à mon âge : flexibilité et autonomie. All1KL est un cabinet spécialisé en ressources humaines destiné aux sociétés et aux individus pour la gestion de carrière en Malaisie ou autres pays d’Asie. J’accompagne les entreprises sur les problématiques de recrutement, de gestion des talents en particulier lors de plans de licenciement (Outplacement Services). Ayant été auparavant Directeur d’une chambre de commerce en France et connaissant le milieu RH local, j’interviens aussi en tant que prestataire de service auprès de la MFCCI (France Malaysia Chamber of Commerce) pour le compte de ses entreprises membres. Il s’agit d’une solution « gagnant/gagnant » : la MFCCI peut offrir un service RH à ses membres tout en réduisant ses charges fixes et de mon côté, je bénéficie de la visibilité de cet organisme pour entrer en contact avec les sociétés françaises. Ainsi, depuis plusieurs années, j'ai deux « casquettes » celle de la MFCCI et celle « All1KL » ce qui peut parfois paraitre confus pour certaines entreprises qui ne saurait pas par quel canal me contacter.
Pourquoi avoir choisi de partir et finalement de rester en Malaisie ?
L’Asie est une zone que j'apprécie beaucoup. De façon générale, je ne suis attirée que par les pays émergents, où cela « bouge » bien ! Nous sommes en Asie dans la bonne période, le monde a particulièrement changé : ma génération, a connu la fin du bloc communiste, ce qui a été historiquement très fort, et nous avons été témoins de l'émergence économique de nombreux pays. J’ai connu l'Asie il y a 35 ans : tout était très différent d’aujourd’hui. Il ne reste actuellement plus beaucoup de zones peu développées. Nous avons eu cette chance de vivre une période où le monde a évolué considérablement et rapidement.
Vous avez eu l’occasion de travailler dans différents pays, avez-vous remarqué des similitudes ou des différences dans vos missions principales ?
Dans la mesure où j’ai travaillé dans des pays émergents, j’ai vécu bien souvent des problématiques similaires. Les changements radicaux au niveau de la population, des modèles économiques, des résistances au changement, de la dynamique générale, tous ces environnements pouvaient se ressembler.
S’agissant plus particulièrement de la Malaisie, le poids de la religion peut modifier certaines règles au quotidien. Les pays émergents ont tous une même caractéristique : l’optimisme de leur population. Chaque personne en effet sait qu’elle vivra dans de meilleures conditions que ses parents, que de nombreuses opportunités se présenteront à elle ! A contrario en Europe de l'Ouest, vous savez que votre génération connaîtra – a priori - plus de difficultés que celle de vos parents. C’est donc aussi cela que j'aime ici : c'est cet optimiste !
Comment avez-vous vécu votre intégration ici à Kuala Lumpur ? Le fait d'avoir ciblé précisément un secteur auquel votre profil correspondait parfaitement a facilité votre recherche d'emploi, mais pensez-vous que pour un expatrié, il sera facile de trouver du travail ici ?
Mon intégration à Kuala Lumpur s'est rapidement et parfaitement déroulée. Pour un étranger aujourd’hui en Malaisie, les conditions de recherche d’un emploi ont évolué depuis une dizaine d’années et mon travail au sein d’All1KL est d’aider à s’adapter à ce nouvel environnement. Cependant, il ne faut pas oublier lors d’une recherche d’emploi que dans tous les cas, il faut être très clair sur son positionnement : « Je suis ci, je suis cela, je veux faire ci, je peux faire cela, je peux apporter cela a telle entreprise… ». La construction du positionnement professionnel correspond à du marketing. Il faut ensuite identifier des entreprises « prospects », amorcer une démarche commerciale en les contactant et savoir ensuite conduire une négociation. Les expatriés y compris des alumni ou étudiants de Kedge, qui me contactent dans le cadre de leur recherche d’emploi en Malaisie, m’informent souvent qu’ils sont « ouverts à toute proposition ». En fait, cela ne fonctionne pas de cette façon ! L'entreprise cherche avant tout un collaborateur immédiatement opérationnel. Il ne faut pas oublier qu’il existe un certain niveau de protectionnisme à l'égard des étrangers. Il est en conséquence nécessaire de convaincre les employeurs potentiels que les compétences acquises, sont plus élevées ou spécifiques que celles d'un employé local. Les bons candidats savent toujours très bien se vendre en suivant notamment cette méthode de différenciation qui permettra à un employeur de se souvenir de leur profil. On assiste depuis 2015 a une diminution, voire inversement du différentiel de salaire entre un occidental et un malaisien. De plus en plus d'étrangers viennent ou veulent venir en Malaisie ou Asie et ont tendance à réduire leurs prétentions salariales pour accroitre leur chance. Parallèlement les employés locaux qui resteront toujours favorisés sur le marché de l’emploi, sont de mieux en mieux formes et expérimentés et font en conséquence « monter » les enchères sur leur rémunération.
Est-ce qu’il a été difficile de créer votre entreprise ici ?
L’enregistrement et la création d’une entreprise est une démarche relativement simple. Le plus difficile est de la maintenir en activité et passer notamment le seuil critique des 3 et 5 ans des premières années. En Malaisie, il est possible d’enregistrer une entreprise avec 2 ringgits de capital social. En revanche, un montant de 500 000 ringgits voire 1 million (en fonction du secteur) est nécessaire pour obtenir un visa de travail. C’est une contrainte très élevée pour celle ou celui qui veut démarrer son activité.
Sachant que nous ne souhaitions pas retourner en France, mon mari et moi avons décidé de constituer un tel capital social pour All1KL me permettant ainsi de bénéficier d’un permis de travail. J’ai en 2012, pu obtenir un « Resident Pass » nouvellement créé par le Gouvernement pour attirer une main-d’œuvre étrangère qualifiée. Ce « pass » m’assure aujourd’hui une autorisation de travail pour 10 ans ; durée bien plus longue que les 2 années qui sont délivrées pour un simple permis.
Avez-vous des conseils à donner aux diplômés et aux futurs diplômés qui souhaiteraient s'expatrier et vivre à l'étranger ?
Bien sûr ! Travaillez un projet et votre positionnement. Il est – dans ce cas - encore possible de venir ici avec uniquement des valises. Il faut également accepter un changement de vie et surtout de système. Les candidats à l’expatriation, y compris les jeunes générations qui souhaitent maintenir les bénéfices de la sécurité sociale et d’une retraite en France auront désormais plus de difficultés à trouver un poste.
Il est aujourd’hui beaucoup plus facile de voyager et de vivre à l’étranger. En contrepartie, au fur et à mesure que la globalisation se développe, des mouvements protectionnistes émergent et la concurrence entre expatriés s’intensifie à travers le monde. Les personnes longuement installées dans un pays, ayant une solide connaissance du tissu local y compris parfois de la langue, sont devenues des « adversaires » pour tout nouveau venu qui recherche un emploi sans préparation spécifique. Toute entreprise ayant le choix entre un candidat français fraichement arrivée et un autre français résidant depuis quelques années dans le pays, prendra – à compétences égales – le second afin d’éviter tout risque lié à la relocalisation. Vouloir travailler à l'international nécessite de monter un projet le plus tôt possible à partir de 2020. Dans 10 ans, la présence de nombreux étrangers installés de longue date dans la zone pourrait fortement bloquer « les rêves » de nouveaux candidats. Certains jeunes font le choix après 2 à 5 ans à l'international de retourner en France. Il est important de réaliser qu’une telle décision peut impacter leur "statut de profil international" et leur attractivité sur le marché dans le cas d’un projet ultérieur d’expatriation.
Interview réalisée à Kuala Lumpur par Clémence, Stivell, Estelle et Adel, étudiants du pro-act KEDGE Alumni Travel d'Asie.
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