Promotion 1984 : 40 ans après, des retrouvailles...
Rencontre avec Maxime, un kedger expatrié à Lima
Les 5 étudiants du pro-act "KEDGE Alumni Success" sont actuellement en Amérique du Sud, où ils viennent à la rencontre de nos diplômés.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire et de votre formation à Kedge ? Dans quel cadre avez-vous étudié à Kedge ?
Après le baccalauréat ES, je suis parti en classe préparatoire aux grandes écoles de commerces à Orléans. Puis je suis rentré à EUROMED à Marseille. La rentrée suivant l’obtention de mon diplôme, c’est là que la fusion entre Euromed Marseille et la BEM (Bordeaux École de Management) avait eu lieu.
En L3 j’ai suivi le parcours classique post-prépa. Puis, j’ai fait mon Master en alternance, ou j’ai pu évoluer chez Orange au service Grands Comptes à Paris.
Entre la L3 et mon Master j’ai eu l’opportunité de venir ici au Pérou pour un échange dans une université partenaire locale. Ça m’a permis de valider mon expérience internationale qui était déjà un requis diplômant auparavant. Je voulais d’abord un pays dans lequel on parle anglais ! A l’arrivée, j’ai terminé au Pérou, c’était mon dixième choix, je ne savais même pas où situer le pays sur une carte du monde ! (Rires) En revanche, j’en garde un super souvenir, car c’est à ce moment-là que j’ai rencontré ma femme, qui était ma marraine de promotion à mon arrivée au Pérou ! (Rires)
Pour être honnête avec vous, ce fût des années très intenses : entre les cours, les Pro-act, l’alternance, j’avais un sacré rythme. Mais bon, vous savez de quoi je parle (rires). En plus de ça, quand tu es en alternance tu as deux mémoires à rédiger, contrairement à ceux qui suivent le parcours à la carte par exemple. Je ne regrette pas du tout parce que c’était vraiment super enrichissant.
Plus précisément sur l’alternance, j’aidais un Ingénieur Commercial, en rédigeant des offres et en asseyant de convaincre un client d’acheter aux prix. En venant à KEDGE, je venais chercher l’apprentissage pratique et concret orienté sur le commercial. Les enseignements suivis et les professeurs d’Euromed, à l’époque, m’ont vraiment offert ce que j’étais venu chercher.
Ah, si ! J’oubliais ! Je ne sais pas si c’est important mais j’ai aussi fait un stage chez Chanel grâce à Euromed. C’était 3 mois de de stage l’été en vente, c’était vraiment une superbe première expérience dans un grand groupe.
Pourquoi avez-vous décidé de partir vivre Lima ? Était-ce dû à une réelle envie ou était-ce dû à une opportunité que vous avez saisie ?
C’est une bonne question à laquelle on a pas mal réfléchi avec femme, enfin ma copine à l’époque. Elle avait terminé ses études, moi pas tout à fait ! Finalement on a décidé que ce serait moi qui viendrais m’installer ici au Pérou, c’est vrai que c’est plus simple pour un français de s’expatrier au Pérou, plutôt qu’une péruvienne qui souhaiterait s’expatrier en France ! Qui plus est, ma femme ne parlait pas du tout français. Moi j’avais des garanties, je vivais chez la grand-mère de ma copine et une aide pour le contrat de travail. Donc c’est forcément un peu difficile au départ. Surtout qu’il y a un souci au Pérou à ce niveau-là, c’est un peu l’histoire du serpent qui se mord la queue, je m’explique (rires). Pour obtenir un Visa, un contrat de travail est demandé comme justificatif. Or, pour avoir un contrat de travail il faut un Visa. Compliqué !
Du coup ça fait déjà 6 ans que je suis au Pérou ! Au début c’est dur, j’avais travaillé chez Orange et étudié à Euromed mais personne ne connaissait ici. Heureusement, j’avais un bagage de 6 mois d’échange ici dans la meilleure université du Pérou. Après avoir postulé non-stop pendant 6 mois, j’ai été recruté par une franco-péruvienne. C’était une entreprise avec une usine, avec des profils ouvriers péruviens, il a fallu s’adapter. C’était un peu le parcours du combattant parce que j’habitais à l’autre bout de la ville en plus, c’était le bus de l’entreprise qui venait nous chercher. Tout ça pour gagner 700/800€, c’est-à-dire le salaire minimum. Dix mois après, l’entreprise a été rachetée par une entreprise israélienne, je travaillais du coup comme Business Analyst, spécialisée dans les bonbons. C’était marrant, je me souviens d’une fois par exemple, ou on devait pitcher devant Nestlé pour leur dire sur quelles couleurs, quelles formes ils devaient se positionner pour suivre la tendance du bonbon. (rires).
Puis j’ai été démarché par une entreprise qui s’appelle Trans Total, j’ai pu prendre une augmentation de salaire de 50%, tout ça dans une agence maritime, dans laquelle on travaillait en Anglais. J’étais Analyste commercial, c’était à la fois commercial et très technique. Il faut calculer la taille des bateaux pour rentrer dans le port, le poids des marchandises, le temps resté au port, tout cela avec une facturation derrière. J’ai vraiment beaucoup évolué et pendant mon passage dans cette entreprise, j’ai pu améliorer les process, prendre des initiatives, ma chef me faisait confiance, j’étais vraiment épanoui. Un an et demi plus tard, Michael Page, cabinet en recrutement m’a recontacté, on avait déjà un premier contact 2 ans et demi avant mais cela n’a pas débouché sur quelque de concret. J’ai longuement hésité, je venais d’être augmenté chez Trans Total et ma femme m’a dit de foncer, je l’ai écouté !
Il a donc fallu pour moi apprendre le monde du recrutement et des ressources humaines rapidement. J’étais affilié au service logistique. Je connaissais que le monde des bateaux, mais pas du tout celui des camions et des entrepôts. Après réflexion je crois que j’ai fait le bon choix parce qu’aujourd’hui nous sommes 90 salariés ici tandis que Trans Total a fermé un étage entier… (rires). En un an demi j’ai vraiment grandi ici, et je suis devenu un expert local du recrutement en Supply Chain ! Par la suite, on m’a confié des missions relatives aux usines, j’avais donc un secteur encore plus large. Au niveau des échelons, j’ai suivi le parcours classique jusqu’à Manager.
Un peu plus tard, la direction m’a annoncé qu’ils allaient ouvrir une nouvelle unité, Page Personnal, spécialisé dans le recrutement de profil junior. On a donc ouvert la marque ! Mon champ d’action s’est encore aggrandi car en plus des usines et des entrepôts, je devais désormais m’occuper des missions relatives aux mines (métallurgie,) et l’ingénierie (construction, technique,). Aujourd’hui on est 7 dans mon équipe, dont 2 stagiaires. Il y un taux de turnover élevé chez nous car le rythme est super intense, plus de 50/60h semaine !
Finalement au bout de 6 ans, j’ai réussi à construire quelque chose de stable, mais ce n’est pas une mince affaire, il ne faut pas se décourager et faire preuve d’abnégation.
Quelles différences distinguez-vous dans la manière de travailler entre le Brésil et la France ?
Ah oui ! Déjà en termes de profils, les gens n’ont pas du tout la même capacité qu’en France et ça se voit au premier coup d’œil, ils ne prennent pas d’initiatives, ils ont beaucoup de mal à prendre des décisions. Pour le coup, c’est facile de se différencier. Ce qui est difficile c’est de trouver une bonne entreprise, après c’est facile de monter. Mais c’est dû à l’éducation, les universités ici ont uniquement basées sur une logique économique et ne dépendent pas du tout du service public.
En second, étant donné les salaires très bas, il y a un turnover très important. Mais c’est un usage ici, on te le pardonne ! En France, changer d’employeur tous les six ans ne sera pas forcément très bien vu. Il n’y a que très peu d’attaches à l’entreprise. Elle est plutôt perçue comme un tremplin, tout du moins au départ.
La logique des études est différente ici, mais encore une fois c’est culturel. En France, rares sont les personnes de quarante toujours étudiants en parallèle d’une activité professionnelle. Ici, c’est courant. Ça s’explique par l’influence de modèle américain. Les gens obtiennent leur licence, travaillent pendant 4 ou 5 ans car ils ont besoin de gagner leurs vies et que les études courtent chères, puis ils reprennent en Master. La plupart d’ailleurs, partant faire leur Master à l’étranger car c’est leur première réelle opportunité de voyager. Ils vivent encore tous chez leurs parents, car avec 500€ c’est impossible de s’assumer financièrement.
Par ailleurs, traditionnellement, le concubinage n’existe pas. Autrement dit, on n’habite pas avec son compagnon tant que l’on n’est pas marié. Nous même, avons dû user de stratagèmes pour pouvoir habiter ensemble avec d’être marié. (Rires) C’est une autre forme pensée
Ils n’ont pas ou peu de culture de l’économie. Un jeune français diplômé va utiliser en grande partie son premier salaire raisonnablement. Ici, un mois après leur première embauche ils ont acheté une voiture à crédit.
Quels sont vos projets pour l’avenir ? Où vous voyez-vous dans 5 ans ? Dans 10 ans ?
On en parle pas mal avec ma femme, on pense à rentrer en Europe. Et puis, on ne va pas se le cacher, l’Europe et la France font rêver tous les péruviens. Après, je suis assez partagé parce qu’il y a énormément d’opportunités de business ici. Le Pérou à une croissance de 4 à 5% par an. Les minerais, comme l’or ou encore l’agriculture sont des marchés dans lesquels beaucoup de capitaux sont investis. C’est le premier producteur d’avocat au monde et ce depuis 10 ans.
Un tiers des péruviens habitent à Lima et la crise du Venezuela dégage des externalités positives pour le Pérou. Tant qu’on n’a pas d’enfants, le Pérou et Lima peuvent être très enrichissant professionnellement.
De quelle manière Kedge vous a aidé à réaliser vos projets quand vous êtes venu au Brésil ensuite ?
Ce que je cherchais avec l’école c’était vraiment un tremplin au niveau professionnel. Je savais qu’au travers des cours, de négociation par exemple et surtout grâce au réseau de l’école et au parcours permettant d’effectuer beaucoup de stages. Sans oublier le côté associatif qui a toujours été chère à mes yeux. La méthodologie de KEDGE a vraiment été un plus pour moi.
Le côté entreprenariat dans lequel on baigne à KEDGE me sert tous les jours au niveau professionnel. Les péruviens ont envie d’entreprendre, grâce à l’école et à la culture ici je peux vraiment entreprendre quotidiennement.
Par contre, il est important de préciser que d’entreprendre au Pérou n’a strictement rien à voir avec la manière d’entreprendre en France. (rires) Ce serait vraiment un rêve pour moi de pouvoir entreprendre ici mais c’est un gros risque avec une perte potentielle de stabilité. En plus on est souvent plus isolé ! L’éloignement géographique ne permet pas non plus de pouvoir s’appuyer sur son entourage.
Aviez-vous des appréhensions avant de partir ?
Bien sûr ! Mes parents ont toujours travaillé chez Orange, moi-même je voulais marcher sur leurs traces. C’était chose faite une fois mon alternance obtenue. Puis, en discutant avec mes parents et étant donné mon jeune âge, je me suis dit que si je devais partir c’était maintenant. « Dans le pire des cas tu te plantes, tu rentres en France ! » Ce qui a fait la différence, c’est que je venais préparer. Finalement, tout s’est plutôt bien passé puisque plusieurs années après je suis toujours ici. (rires)
Après, les deux avantages que moi j’avais en venant m’installer ici définitivement, c’est que, d’une j’avais déjà pu effectuer un premier séjour lors de mes études à KEDGE et puis surtout, il y avait ma femme. Je savais ou je mettais les pieds en arrivant à Lima.
A ce propos, Quels conseils pouvez-vous donner à un jeune diplômé de Kedge qui hésite à lancer sa carrière professionnelle en Amérique Latine ?
Le plus important c’est d’aller dans un pays que l’on connait tant au niveau de culture que de l’économie. Par exemple, quelqu’un qui décide aujourd’hui de s’installer en Argentine fait une grave erreur parce que c’est la crise. A l’inverse, le Chili c’est actuellement le meilleur pays du continent pour s’installer mais peu de gens le savent.
Il faut venir au moins 3 mois en amont pour savoir réellement ou l’on va, les lois, les visas, le travail, ce n’est pas facile, surtout si tu parles la langue. Ce n’est pas impossible ceci-dit mais on ne se facilite pas la vie.
Après, voyager et travailler à l’étranger ça n’a pas de prix, on apprend beaucoup plus sur soi et sur les autres. Le jour où tu rentres en France, t’es sûr d’être en capacité de t’adapter et c’est une qualité recherchée aujourd’hui dans le monde du travail. Tu ne vas pas t’adresser à un client parisien de la même manière qu’à celui qui vit au fond de la Creuse, même si je n’ai rien du tout contre la Creuse (rires).
Quels sont les secteurs porteurs dans ce pays ce pays selon vous ? Il y a-t-il des postes à pouvoir pour de jeunes diplômés par exemple ?
Oui comme je vous l’ai dit avant, les mines. Le seul problème pour nous français c’est qu’on n’a pas une grande culture minière en France. Par contre dans l’agroalimentaire, il y a beaucoup de choses à faire. Concernant le réseau d’eau par exemple, certaines villes n’ont quasiment pas d’eau de l’année. Ils ont également énormément de terres à vendre, donc il y a vraiment de quoi faire.
Sinon il faut noter le développement des services de tous les secteurs (financiers, transports,) D’ailleurs parler anglais ici c’est un atout majeur. Personne ne parle anglais ! Donc si tu fais les choses dans l’ordre, que tu suis un plan préparé et que tu sais t’adapter tu peux vraiment réussir à Lima.
Qu’est-ce que vous avez trouvé ici que vous ne trouveriez pas en France ?
Ma femme ! (Rires) Non plus sérieusement je dirais, la volonté permanente qu’ont les péruviens d’aller de l’avant. Ils ont connu beaucoup de crises, ils savent rebondir, les anciens disent toujours « va de l’avant ». Ce sont des gros bosseurs ! Le temps de travail hebdomadaire c’est 48h au Pérou donc c’est pour vous dire à quel point on est loin en France. A contrario, ils ne sont pas productifs du tout, ils travaillent très dur mais pas forcément très bien, ils sont beaucoup dans l’opérationnel et c’est tout. Rien ne leurs est dû, en France tu trouves ça normal de bosser dans une multinationale à 25 ans, ici c’est un luxe.
Et puis forcément la chaleur humaine locale, peu importe le statut social de la personne, cette dernière sera très accessible. Mais cela à aussi ses limites car ils peuvent parfois être « trop cools ». Ils ne savent pas dire non, ils ont peur de froisser.
Quel est votre rôle en tant qu’Alumni ? Vous êtes passée par Kedge et vous faîtes partie de notre réseau dans le monde maintenant.
Pour moi, rester en contact avec l’école et les gens de l’école sont des choses très importantes. Cela permet d’entretenir une relation, être au courant des évolutions. C’est toujours sympa ! Plus concrètement, on n’est pas forcément un grand nombre d’Alumni ici, pour autant pouvoir discuter avec vous aujourd’hui par exemple c’est super enrichissant.
De même que si demain un kedgeur vient à ma rencontre pour me poser quelques questions sur la vie et le business ici, ce sera avec plaisir que j’y répondrai. Par contre, tout change très vite à Lima ! Ce qui était valable pour moi il y a 6 ans n’est peut-être plus d’actualité aujourd’hui.
A bon entendeur !
Interview réalisée à Buenos Aires par les 5 étudiants du pro-act KEDGE Alumni Success.
EN SAVOIR PLUS SUR LE PROJET KAS
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