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Cette kedgeuse protège les populations sur les zones de conflits avec la Croix Rouge Internationale
Diplômée de KEDGE Business School en 2004, Wendy Fleury a rejoint le Comité International de la Croix Rouge Internationale (CICR). Un métier passionnant qu'elle raconte dans cette interview.
Bonjour Wendy ! Pour commencer, parlez-nous de votre parcours scolaire : quelle formation avez-vous suivi à KEDGE et avant d'arriver à KEDGE ?
Après mes deux années de prépa au Lycée Joachim du Bellay (à Angers), j’ai intégré Kedge qui s’appelait à l’époque l’ESC Bordeaux, en 1999. Je savais que je voulais travailler à l’international, mais j’avais encore du mal à identifier une voie qui me corresponde. J’ai donc suivi une filière généraliste tournée vers l’international : Management Général en Anglais. Au cours de mes années à l'ESC, j’ai eu l’occasion d’approcher plusieurs secteurs d’activité : passionnée par l’œnologie, j’ai fait mon stage de vente et mon année césure dans le domaine viticole. Pour mon stage de fin d’études, changement de cap, avec un stage à la Société Générale à New York (mais je dois avouer que c’est plutôt pour l’expérience à l’international que pour l’expérience dans le domaine bancaire que j’ai opté pour ce stage). Coté associatif, c’est à Extérieur Nuit que j’ai choisi de m’investir, avec l’organisation du festival de court métrage.
Racontez-nous votre parcours une fois vos études terminées : quels postes avez vous occupés ? Qu'est-ce que ces postes vous ont appris ?
Une fois sortie de l’Ecole en 2004, j’étais encore très indécise sur la voie que je voulais suivre. Je n’étais pas forcément intéressée par l’idée de ‘faire carrière’, suivre une voie classique, ou faire mes classes dans une ‘grosse boite’. Partir loin était ma seule idée. C’est ainsi que j’ai intégré une petite société basée à Madrid, qui produisait des guides économiques sur les pays émergents, à destination des investisseurs. En tant que « Nomade », on nous envoyait à deux dans un pays émergent, et nous devions revenir six mois plus tard, avec 250 pages d’informations économiques, des interviews avec les Ministres et les plus grands chefs d’entreprise du pays ; nous devions également assurer une partie du financement du guide par la vente d’espaces publicitaires. Cette expérience passionnante m’a fait découvrir l’Afrique, le Maghreb et le Proche Orient, en m’amenant à vivre pendant 3 ans au Kenya, en Gambie, en Zambie, en Algérie, en Egypte et en Syrie.
Par la suite, j'ai travaillé pour un magazine d’actualités économiques sur l’Afrique. Basée à Johannesburg en Afrique du Sud, j’étais responsable du développement commercial du magazine au Maghreb. Cette expérience m’a amené à découvrir la Lybie où j’ai ensuite travaillé en tant que business developper, pour une petite société Libyenne qui cherchait à inciter des Tour Opérateurs européens à ajouter la Libye à leurs destinations touristiques.
Puis, en 2008, on m’a proposé un poste à Dubai, au sein de la société chargée d’organiser le tournoi final du Tour Européen de golf, le Dubai World Championship. Mais la crise économique a frappé Dubai en 2009, et j’ai perdu mon travail avant de pouvoir aller au bout de cette aventure. Forte de mes sept années de travail dans neuf pays, dans des secteurs d’activité très variés, j’ai décidé qu’il était temps de rentrer en France. Mais le retour a été plus difficile que prévu : dans le monde anglo-saxon mon employabilité était forte car j’avais une expérience originale, jugée riche et intéressante. Mais en France, cette atypicité n’était pas valorisée. Je passais pour une dilettante qui ne savait pas ce qu’elle voulait faire ; je ne rentrais pas dans les cases. Mon carnet d’adresse africain était inutile, et j’ai ‘payé’ l’atypicité de mon CV par 10 mois de chômage. Fin 2009, j’ai finalement eu l’opportunité d’intégrer à Paris, une société de conseil dans l’agroalimentaire, qui aidait les entreprises étrangères à se faire référencer en France dans la Grande Distribution. Je n’ai pourtant jamais regretté ces sept années de relative instabilité professionnelle, car ces expériences m’ont permis de décrocher le travail que je fais aujourd’hui et qui me passionne.
Aujourd'hui vous travaillez pour la Croix Rouge Internationale. Racontez-nous en quoi consiste votre métier.
Après deux années passées à Paris, j’ai été rattrapée par l’actualité internationale : les Printemps Arabe touchaient les pays dans lesquels j’avais vécu (Libye, Egypte puis Syrie) et j’avais envie de m’impliquer auprès des populations touchées. J’ai alors rejoint le Comité International de la Croix Rouge (CICR) dont le siège est à Genève. Le mandat du CICR est de protéger et d’alléger les souffrances des victimes des conflits armés. Pour cela, le CICR déploie son action autour de deux grands axes complémentaires :
1) Protéger en rappelant aux parties au conflit, les règles du Droit international Humanitaire (Conventions de Genève) pour éviter ou minimiser les violations du DIH et les conséquences du conflit sur les populations.
2) Assister les victimes du conflit (population civile, blessés de guerre, prisonniers…) pour les aider à se rétablir, et renforcer leur résilience (distributions de nourriture, de semences agricoles, de biens essentiels, programmes d’hygiène et d'assainissement, programmes de santé, réunification des familles séparées…).
Pendant mes trois premières années au CICR, j’ai travaillé en Guinée Conakry et en Colombie, principalement sur les programmes de Protection (visites de prison, négociation avec les autorités pour le respect des conditions de détention, séances de formation aux groupes armés, documentation d’exactions…). Depuis 2015 (un an au Sud Soudan puis deux ans en République Démocratique du Congo), j’exerce la fonction de Cheffe de Bureau, responsable de la coordination des différentes activités du CICR (Protection et Assistance) dans une région donnée. Je gère une équipe de plusieurs dizaines d’expatriés et d’employés locaux, et je suis responsable de l’analyse du contexte, de la sécurité et du déploiement des activités (quels programmes font sens en fonction des besoins, et comment les mettre en place en fonction de la sécurité et du contexte volatile).
Mon travail m’amène également à être dans un dialogue constant avec les porteurs d’arme (groupes armés et militaires des forces armées gouvernementales) pour obtenir des garanties sécuritaires qui nous permettent de travailler en sécurité dans leurs zones de contrôle, et de leur rappeler les règles du DIH. C’est un travail passionnant et riche où les difficultés (conditions de vie, insécurité) sont en large partie, compensées par la beauté des actions que nous arrivons à mettre en place, la richesse des rencontres, l’esprit d’équipe, les aventures vécues…
Quels sont vos objectifs de développement pour l'avenir ?
Chaque nouvelle mission (tous les 18 mois en moyenne), nous amène dans un nouveau pays où il faut à nouveau nous adapter à l’environnement, la culture, la langue ; comprendre l'histoire et les enjeux géopolitiques… On exerce des fonctions et des responsabilités différentes car les activités mises en place et la façon de travailler sont diffèrent d’un pays à l’autre (les besoins des populations ne sont pas les mêmes en RDC et en Syrie, le conflit est différent en Irak et au Myanmar, les contraintes en Afghanistan ne sont pas celles du Sud Soudan). Il faut donc chaque fois réapprendre et se remettre en cause. Dans ce secteur où chaque année vécue et travaillée compte double (au moins !) en termes d’intensité et d’apprentissage, on acquiert rapidement des responsabilités. Dans les prochaines années je serai donc amené à gérer des équipes plus grandes dans des zones géographiques plus étendues, dans des contextes opérationnels toujours plus complexes. Cette année, après ma dernière mission de deux ans en RDC, j’ai décidé de faire une longue pause de plusieurs mois pour ‘digérer’ ces sept années intenses et avoir une énergie et envie renouvelées pour repartir en mission dans quelques mois.
Quels sont les plus beaux moment que vous avez tiré de ces expériences ?
La plus belle reconnaissance que nous obtenons dans notre travail est le sourire d’une mère qui retrouve de quoi nourrir sa famille, le rire d’un enfant réunifié à ses proches après des mois de séparation, ou apprendre qu’un chef de guerre a pris des mesures pour éviter de cibler les civils en planifiant son attaque, a passé des instructions à ses hommes pour empêcher les pillages ou les viols. Mais il ne faut pas chercher cette reconnaissance. Les populations que nous tentons de protéger et d’assister restent dans une grande vulnérabilité ; nous ne solutionnons pas tous leurs problèmes. En effet, en tant qu’organisation neutre et impartiale, le CICR n’a pas pour mandat de faire stopper les guerres. Il ne faut donc pas faire ce métier en espérant changer les choses, mais en acceptant qu’on ne peut souvent pas faire plus qu’apporter un soulagement, un répit temporaire aux populations.
En quoi votre scolarité à KEDGE Business School vous a aidé à devenir ce que vous êtes aujourd'hui, et en quoi ses enseignements vous ont aidé dans le développement de votre projet ?
Bien que mon métier actuel semble très éloigné des métiers pour lesquels on nous prépare à l’école, j’utilise tous les jours des ‘soft skills’ développées pendant mes années d’études et par la suite. Par exemple, la négociation, qui constitue 60% de mon travail : en externe avec les autorités civiles, militaires, les porteurs d’armes, mais également en interne (convaincre sa hiérarchie de mettre en place tel programme plutôt qu’un autre). Travailler en équipe, parler en public, coordonner et manager des personnes, élaborer une stratégie, un plan d’action, mettre en adéquation ressources et besoins… sont des compétences nécessaires dans mon métier, dont les jalons ont été posés à l’Ecole.
Si vous deviez donner un conseil aux diplômés de KEDGE qui aimeraient faire comme vous, quel serait-il ?
Travailler dans l’humanitaire n’est forcément un débouché classique pour un étudiant qui sort d’une école de commerce. Ce n’était, pour moi non plus, pas l’une de mes aspirations en sortant de Kedge. Souvent, les métiers de l'humanitaire sont mal connus. On associe ce secteur aux métiers de la santé. Or, les médecins et infirmiers ne constituent qu’une toute petite partie des travailleurs humanitaires : on peut faire de très belles carrières en logistique, ressources humaines, management/gestion de projet. Il y a également beaucoup d’autres métiers à découvrir, qui n’existent que dans ce secteur. Cependant, je ne conseillerais pas aux étudiants de tenter de faire de l’humanitaire en première expérience. Le jeune qui aspire à sauver le monde et part avec son sac à dos, rejoindre une ONG, n’existe plus. L’humanitaire est un secteur qui s’est fortement professionnalisé dans ces 10 dernières années. Les ONG et les organisations internationales (agences des Nations Unies, CICR…) cherchent à recruter des professionnels qui ont plusieurs années d’expérience, et ont déjà prouvé leur adaptabilité et résistance au stress. Pour tous ceux qui seraient intéressés par cette voie, je conseillerais donc d’accumuler des expériences internationales avant de tenter l’aventure. De plus, il vaut mieux y arriver avec une certaine maturité, sinon, on risque de se brûler les ailes. En effet, ce n’est pas un métier qui laisse indemne. Cela devient un mode de vie. On en sort enrichit mais définitivement changé. Ce n’est pas un métier sans danger non plus. Même si nous mettons tout en œuvre pour assurer la sécurité de nos équipes (principalement en travaillant sur l’acceptation des populations et des porteurs d’arme), le risque zéro n’existe pas comme le prouve encore malheureusement l'actualité cette semaine .
Autre chose à ajouter, un message à faire passer ?
Chaque parcours est unique et original. Kedge crée un environnement qui permet justement d'aborder la question du "que faire de ma vie?" avec un cadre large, qui permet rebondir, changer d'avis, expérimenter, virevolter, se retourner... A tous ceux qui ne savent pas encore quoi faire, et ou comment y arriver, rassurez-vous... :-) Mais soyez toujours curieux et ouverts d'esprit.
Pour en savoir plus :
- www.cicr.org
- http://cicr.blog.lemonde.fr/
- Roman: "La haine qu’il faut" de Paul Salvanes
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